HGGSP : le transcendantalisme
Le transcendantalisme est un mouvement littéraire, spirituel, culturel et philosophique qui a émergé aux États-Unis, en Nouvelle-Angleterre, dans la première moitié du XIXe siècle. Une des croyances fondamentales des transcendantalistes était la bonté inhérente des humains et de la nature.
“A travers la tranquillité du paysage […] l’homme contemple quelque chose d’aussi magnifique que sa propre nature”, écrivait Emerson. Thoreau, arpenteur et praticien de la nature, marche sur les traces d’Emerson, en naturaliste et poète expérimentant la symbiose de son être avec la nature. Mais il découvre aussi la nature dans sa complexité, parfois inhospitalière et inhabitable, la solitude étant tantôt harmonie, tantôt désolation.
Emerson écrit un texte fondateur, qui annonce les lignes directrices du transcendantalisme, auxquelles Thoreau se réfèrera tout au long de son œuvre philosophique.
Lorsqu’on est en bonne santé, l’air est un cordial d’une incroyable efficacité. Traversant au crépuscule, sous un ciel nuageux, un terrain dénudé parsemé de plaques de neige boueuse sans avoir présente à l’esprit l’idée d’une bonne fortune particulière, j’ai joui d’un sentiment d’allégresse parfaite. J’éprouvais une joie qui touchait à l’angoisse. Dans les bois aussi un homme se débarrasse de ses années comme le serpent de son ancienne peau. Ralph Waldo Emerson, La nature (1836).
“Aux origines du transcendantalisme”
Il en aura fallu du temps avant que l’écologie ne devienne l’affaire de tous. Maintenant que c’est le cas, il n’est pas toujours évident d’expliquer les raisons d’un tel engouement. Sans doute est-ce dû à l’époque que nous traversons autant qu’elle nous traverse. Ultramoderne, notre siècle de référence, le XXe siècle, a depuis longtemps dépassé le seuil de tolérance fixé par la science au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Aux sentiments écologiques se mêle donc la peur d’avoir un jour affaire à plus fort que soi. Désormais, plus rien n’est sous contrôle. C’est du moins l’impression laissée par ceux qui, jusqu’ici, prétendaient le contraire. En effet, les scientifiques paraissent aujourd’hui complètement dépassés par les événements. Contraints et forcés, ils n’ont d’autre choix que de réparer le mal que d’autres avant eux ont fait.
Quant à savoir comment l’écologie, au sens idéologique du terme — ce « nouvel écologisme » pourrait-on dire —, est arrivée sur le devant de la scène, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. En faire le récit n’est pas chose aisée. Un travail de reconstruction est alors nécessaire. Ce qui, dans un premier temps, peut paraître arbitraire. Il est vrai qu’une telle démarche ressemble plus à un jeu de piste qu’à un exposé rondement mené. Mais qu’importe la manière, c’est le résultat final qui compte. Et un homme en particulier va nous y aider. Il s’appelle Ralph Waldo Emerson (1803-1882). Sans lui, difficile de comprendre quoi que ce soit à l’écologie d’aujourd’hui. Avec lui, c’est un autre problème qui se pose. Du genre de ceux qu’on ne résout pas sans effort tant sa biographie n’est qu’une succession de rencontres, parfois forcées, le plus souvent avérées.
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Extrait d’œuvre :
Quand j’ai atteint le sommet de la crête, dont ceux qui l’ont vu par beau temps disent qu’il fait cinq miles de long et est constitué d’un plateau d’une centaine d’acres, je me suis retrouvé au beau milieu des rangs hostiles des nuages, qui m’obscurcissaient tout. […] On avait parfois l’impression que le sommet serait dégagé dans quelques instants et resplendirait au soleil, mais ce que l’on gagnait d’un côté se perdait dans l’autre. C’était comme d’être assis devant une cheminée et d’attendre que la fumée se dissipe. En fait, c’était une usine à nuages : il s’agissait de matière nuageuse que le vent extrayait des rochers froids et nus. De temps à autre, je pouvais apercevoir rapidement un à-pic sombre et humide à droite ou à gauche, la brume ne cessant de passer entre lui et moi. […] Nul doute qu’Eschyle avait visité un paysage semblable à celui-ci. C’était immense, titanesque et de ceux qu’aucun homme n’habite jamais. Une partie de celui qui le contemple – et même une partie vitale – semble s’échapper entre ses côtes flottantes à mesure qu’il monte. Il est plus seul qu’on ne peut l’imaginer. Ses pensées ont moins d’envergure et son intelligence est moins affûtée que dans les plaines où habitent les hommes. Sa raison est sombre et dispersée, plus ténue et plus imperceptible, comme l’air. La Nature immense, titanesque et inhumaine l’a pris au dépourvu, piégé quand il était seul et lui a barboté un peu de ses facultés divines. Elle ne lui sourit pas comme dans les plaines. Elle semble demander sévèrement : Pourquoi es-tu venu ici avant ton heure? Ce terrain n’est pas encore prêt pour toi. Cela ne te suffit donc pas que je sourie dans les vallées ? Je n’ai jamais créé ce sol pour tes pieds, cet air pour ton souffle, ces rochers pour être tes voisins. […]
Les sommets des montagnes comptent parmi les parties inachevées du globe, où c’est un peu comme insulter les dieux que d’y grimper, de s’immiscer dans leurs secrets et d’éprouver l’ascendant qu’ils exercent sur notre humanité. Les hommes audacieux et insolents sont sans doute les seuls à y aller.
– Henry David Thoreau, Les forêts du Maine, 1864, trad. Thierry Gillyboeuf, Payot, 2012