HGGSP : L’opération Daguet
Il y a trente ans, l’armée de Terre était engagée dans une opération remarquable à plus d’un titre : couverture médiatique exceptionnelle, prépondérance de l’observation et du renseignement sur le dispositif ennemi, menace chimique incessante des missiles balistiques Scud et engagement d’une force aéromobile et blindée majeure.
Tout commence après l’invasion du Koweït par Saddam Hussein le 2 août 1990. À la suite de la réaction américaine qui voit l’opération Bouclier du désert engager, en Arabie Saoudite, plus de 400 000 hommes, la France décide d’y joindre l’opération Daguet à la mi-septembre. Confiée à la Force d’Action Rapide du général Roquejeoffre, la projection d’une division forte de 4 000 hommes, dotée de moyens lourds, est une véritable gageure opérationnelle et logistique. Au niveau des réseaux de commandement, il s’agit de connecter la métropole, le théâtre, la division et le groupement logistique malgré d’importantes élongations.
Satellites, RITA (réseau intégré de transmissions automatiques), faisceaux hertziens tactiques, postes à évasion de fréquence sont utilisés, souvent pour la première fois en opération, en interopérabilité avec les systèmes américains. La confrontation en elle-même offre des opportunités d’emploi inédites : combat de haute intensité de blindés et aéronefs en milieu désertique et ambiance NBC, équipements de vision nocturne et caméras thermiques, systèmes antimissiles, obus- flèches, drones, VTLR (véhicule militaire de transport de marchandises) … La division Daguet se prépare à un véritable combat aéroterrestre engageant la deuxième force aéromobile de la coalition (130 appareils) en appui de 150 blindés français.
Pression médiatique
Tous ces moyens motorisés ne peuvent se déployer que grâce à l’avènement du GPS, outil indispensable pour s’orienter dans les étendues désertiques mais dont seuls quelques véhicules légers sont équipés avec un fonctionnement erratique et parfois dépendant des vents de sable. Un tel environnement opérationnel s’accompagne bien sûr d’un effort logistique considérable avec une élongation allant jusqu’à 1700 km pour les 300 véhicules de transport lourds mobilisés, du port de ravitaillement de Yanbu sur la Mer Rouge jusqu’à la division à la frontière irakienne. La “base arrière” en métropole n’est pas épargnée. La pression médiatique persistante conduit à une appréciation outrancière d’un ennemi puissant, parfois fanatique (la Garde républicaine) et endurci par sa guerre avec l’Iran. La couverture en direct des opérations et les alertes Scud ne laissent aucun répit à une opinion publique alertée par les rumeurs d’emploi de gaz. Son soutien vibrant et indéfectible à la division n’en est pourtant jamais affecté.
« Tempête du désert »
Ce contexte exceptionnel aboutit le 17 janvier 1991 au lancement de vastes actions aériennes. Celles-ci initient l’opération Tempête du désert afin, dans une première phase, de détruire les capacités aériennes et antiaériennes ennemies ainsi que les systèmes de commandement. Il s’agit également, pendant plusieurs semaines, d’entamer les défenses terrestres en vue de la phase suivante. Cette dernière est aéroterrestre afin d’assurer le succès par le feu et le mouvement au sol. La division Daguet appartient à l’aile marchante de l’opération qui, par un large débordement par l’ouest, vise le fleuve Euphrate pour interdire à l’armée irakienne toute possibilité de manœuvre ou de repli. C’est ce qui vaut à la division de s’élancer en premier le 24 février 1991 pour une opération d’une ampleur inédite depuis de nombreuses années face à trois brigades d’infanterie irakiennes protégées par de solides défenses, même si elles sont gravement endommagées par la campagne aérienne. Placé sous commandement américain, le centre opérationnel (CO) de la division Daguet est renforcé pour atteindre 500 hommes répartis entre un CO lourd déployé, un CO léger sur roues, un poste de commandement (PC) logistique et un PC arrière.
Un ennemi démuni et retranché
La division est scindée en deux groupements : celui de l’ouest a pour objectif l’aérodrome d’As Salman à l’issue d’un vaste débordement de 120 km couvert par le 3e RHC. L’effort principal est confié au groupement Est pour une action en force dont l’objectif est As Salman après réductions successives des points d’appui brigade de la 45e division d’infanterie irakienne.
Pendant l’offensive, la division bénéficie d’appuis démesurés : outre l’appui aérien, elle est renforcée d’une brigade d’artillerie américaine et d’un bataillon MLRS fournissant à l’offensive française un véritable rouleau compresseur constitué par les feux de plus de 100 tubes. Chars et blindés en bataille dans un désert de rocailles offrent un spectacle peu commun qui conduit à la débandade d’un ennemi démuni et retranché. Les réductions de résistance se succèdent, l’afflux de prisonniers menace de submerger les groupements. Son ampleur problématique (3 000 hommes) n’a pas été assez anticipée et un régiment complémentaire doit y être dédié. Par sa mobilité et sa puissance, la division a atteint ses objectifs mais aussi le but de toute guerre : vaincre sans subir de pertes importantes, ceci après environ 100 heures de combat.
Source : defense.gouv.fr / Texte : Colonel (R) Philippe COSTE- Photos : Christian FRITSCH/ECPAD
Trop génial !
Je ne le vous fais pas dire !