6ème : Comment Rome a inventé la République
Légende de l’image : En 63 av. J.-C., Cicéron, alors consul, prononce une série de quatre discours (les Catilinaires) contre Catilina, qui conspirait contre la République. Ils devinrent des modèles de rhétorique et d’éloquence.
Les historiens et archéologues s’accordent au moins sur la date de naissance de la République romaine : 509 av. J.-C. Quant aux circonstances de cette révolution, c’est une autre affaire… Comment ce régime a-t-il mis fin à plus de deux siècles et demi de monarchie inaugurés par Romulus et Rémus, les pères fondateurs de la cité ? Selon la légende, Tarquin le Superbe, le dernier roi de Rome, fut chassé du trône à la suite d’un fait divers tragique. Son fils avait violé une femme vertueuse, Lucrèce, qui avait préféré se donner la mort plutôt que de survivre au déshonneur, provoquant la colère du peuple et de certains aristocrates, comme Lucius Junius Brutus, contre le tyran et sa famille.

La Rome des rois s’est-elle écroulée à cause d’une banale histoire de moeurs ? Le peuple avait en réalité d’autres raisons de se révolter.
Selon l’historienne Mary Beard, la cause serait à chercher du côté du travail forcé auquel le despote soumettait les Romains pour faire aboutir son projet de grand égout de la ville, le Cloaca Maxima. «Quoi qu’il en soit, après s’être assuré de l’armée et du peuple […], Lucius Junius Brutus força Tarquin et ses fils à partir en exil», écrit-elle. Brutus et l’époux de Lucrèce, Collatin, sont alors nommés consuls pour un an parle «conseil des anciens» de la cité. Afin d’empêcher toute tentative de retour à la monarchie, le pouvoir, à Rome, sera dorénavant exercé de façon collégiale et limitée dans le temps. Les Romains appellent ce nouveau régime libertas, la liberté, par opposition au regnum, honnis, des rois. Reste à mettre en place autour de ces deux consuls des institutions capables de gérer la respublica, la «chose publique».

A la fin du VIe siècle av. J.-C., les Romains, héritiers mythologiques de Troie et d’Enée, entretiennent des contacts étroits avec les colonies grecques installées dans le sud de l’Italie. Hasard du calendrier ? C’est en 508 av. J.-C. que Clisthène, après la chute du tyran Hippias, invente une nouvelle forme de gouvernement à Athènes. Pour Clisthène et ses contemporains, le pouvoir ne peut être que de trois ordres : soit il est détenu par un seul homme, il s’agit alors d’une monarchie ; soit il est exercé par un groupe de citoyens compétents, et l’on parle d’aristocratie ; soit il est entre les mains du peuple tout entier, et c’est une démocratie.
Mais chacun de ces systèmes porte en germes des risques d’excès. Si le roi n’a plus le consensus de ses concitoyens (on ne parle pas dans l’Antiquité de «sujets»), c’est la tyrannie. Si les aristocrates accaparent le pouvoir pour gouverner en fonction de leurs intérêts au lieu de ceux de la cité, on tombe dans l’oligarchie. Et si le peuple ne respecte pas les règles qu’il s’est fixées, c’est l’ochlocratie, le pouvoir de la foule. Partant de ce constat, les penseurs grecs préconisent d’instaurer une Constitution mixte qui combinerait ces trois types de pouvoir, monarchique, aristocratique et démocratique, tout en veillant à ce qu’aucun des trois ne puisse s’imposer au détriment des deux autres. Cet équilibre sera, pour les Romains, le fondement de la République.